Égoïsme bien senti

Il y a quelque chose d’égoïste à vouloir aider les autres.

Qui n’a jamais entendu ces phrases?

«Aider les autres m’apporte tellement».

«Je sens que je peux faire une différence»

«J’ai besoin d’aider les autres»

«J’ai besoin de sentir que je fais quelque chose d’utile»

etc…

J’ai été amenée à me questionner un peu plus sur mes réelles motivations de vouloir aider les autres, notamment en participant à des entrevues de groupe et individuelles pour un stage de coopération internationale. Pour quelle raison pensais-je que je pourrais être davantage utile dans ce projet X ou Y qu’un autre candidat? (Etc…)

Je pense que j’ai toujours eu cette envie (lire ce besoin) d’aider les autres. Est-ce que c’est inné? Est-ce que ça me vient de mon besoin de me sentir appréciée et utile en permanence dans ce monde pour ne pas avoir le goût de le quitter? Il y a un peu des deux, sans doute.

J’apprends de mieux en mieux à me connaître et à dessiner les traits qui caractérisent ma personnalité. Ça fait partie de mon cheminement post-déprime, pour m’assurer que je saurai quoi faire quand je me sentirai sur le point de retomber… Une chose que je me suis apprise en m’auto-examinant, c’est que je suis très portée sur les autres, leur perception de moi, surtout. J’aime prendre prendre soin des autres, être là pour les aider, les écouter, les conseiller, etc… Au-delà de l’idée d’aider les autres, ça m’aide, moi aussi, à me sentir mieux.

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Quand je me replonge dans les évènements de l’an dernier qui ont mené à ma déprime, une phrase qui m’était adressée me revient en tête très distinctement : «Tu es égoïste». C’est du moins ce que m’avais lâché mon supérieur après avoir pété un plomb injustifié. Bref, je ne ferai pas ici son long procès, ni une très longue histoire avec cela, mais tout ça est pour dire que je suis restée accrochée à ces mots.

À ce moment, il était dans le champ. J’étais bien loin d’être une personne égoïste, à mon avis, mais de recevoir ces mots en pleine gueule m’avait grandement troublé. J’en ai fait une obsession maladive. Je suis restée collée à cette phrase, parce que j’avais extrêmement peur d’être égoïste, ce genre de personne qui ne pense qu’à elle. Mais pourquoi? Pourquoi donc?

Je me suis souvent posée la question et j’ai fait un lien. Je pense que cette peur de l’égoïsme était en fait liée au fait que j’avais plutôt peur d’admettre que je ne l’étais pas assez. Et ça, ça me faisait encore plus mal.

Je me suis oubliée à travers les autres pendant un temps, en faisant tout pour me faire apprécier, en acceptant tout et en ne disant jamais «non«. J’ai été tout sauf égoïste pendant des années et ça m’a fait beaucoup de mal. Dire «non» est un exercice que j’apprends tranquillement à maîtriser. Assumer sans culpabiliser que je peux dire «non» est la prochaine étape de mon cheminement…

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J’ai fait peut-être un long détour qui vous a égaré, mais dans ma tête, une chose est claire, je me sens actuellement plus égoïste que je ne l’ai jamais été et ça me fait du bien!

Ça me fait un bien fou d’aider les autres.

Quand je pense à mon boulot, ma récolte de témoignage pour le livre contre les préjugés de la pauvreté, je revois ces personnes qui étaient terrifiées au départ, à l’idée de parler de ce qui leur fait le plus honte. Après coup, chacun était fier d’avoir parlé de son histoire, chacun m’a affirmé avoir été libéré à travers ce processus. Pourtant, c’est à moi que ça fait du bien, de les écouter et surtout d’avoir le privilège des confidences de ces gens inconnus. Ce projet est tellement enrichissant pour moi. Je suis égoïste, parce que je fais ça pour moi, à quelque part.

Quand je pense à mon bénévolat avec ma chère amie Réjeanne, j’entends les gens estomaqués d’apprendre que je fais ça moi: donner du temps gratuitement pour m’occuper d’une vieille dame Alzheimer. Pourtant, j’ai tellement l’impression de recevoir encore plus que de donner. Passer trois heures avec elle chaque semaine est chaque fois un cadeau inestimable. En fait, je reviens tellement heureuse et comblée de nos rencontres, que c’est devenu essentiel dans ma vie. Sentir que je lui apporte du bonheur et à sa famille aussi, qui peut prendre un temps d’arrêt pendant mes visites, m’apporte un immense bonheur. Sentir que cette dame développe des liens fort avec moi, malgré sa maladie de l’oubli me remplit le coeur d’amour. Je suis égoïste, parce que je fais ça pour moi, à quelque part.

Quand je pense à mon stage au Chili l’été prochain, avec des itinérants que je vais aider, moi, une petite Québécoise qui ne connaît pas grand chose à leur pays et leur réalité, je me réjouis. Je ne me réjouis évidemment pas de leur situation, mais plutôt à l’idée de pouvoir aller aider AILLEURS. Le projet que nous allons concrétiser sur place vise d’abord et avant tout à aider ces gens, là-bas et notre mandat est clair, nous allons en voyage de coopération et non pas de tourisme. En entrevue on m’a demandé de me démarquer en démontrant comment cette expérience allait me servir professionnellement et personnellement. C’est donc clair que je suis égoïste, je vais faire ce stage pour moi-même, d’abord et avant tout.

Quand je pense à ce blogue qui est un ramassis de plein de choses en même temps, je me rapporte à l’écriture journalistique dans laquelle je me suis conformée pendant près de quatre années. Avant j’écrivais pour que le journal soit une source d’information sur ce qui se passe dans la communauté. J’écrivais pour que les gens aient de la visibilité parfois et surtout, à la fin, pour que notre Journal fasse mal au compétiteur, tout en réjouissant nos annonceurs. Aujourd’hui, j’écris tout ce qui me vient en tête, j’aligne des mots pour le simple plaisir de le faire, comme je le veux, quand j’en ai envie. Je suis égoïste, parce que je n’écris pas pour les lecteurs, mais bien pour moi-même.

Je pense, après coup, que je suis devenue une personne égoïste.

Et c’est tant mieux.

J’ai bien envie de le rester. Ça me fait du bien!

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